22 octobre 2005
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Les deux Indonésiens suspendent la carcasse d'une chèvre à la branche d'un arbre qui surplombe le fossé. Les varans occupent sur l'île la place de superprédateur. Cette absence d'ennemis a permis à ce saurien de se développer en taille et en nombre. Pour ce reptile qui semble appartenir à un autre âge, tout est bon à se mettra sous la dent: cerfs, sangliers, buffles vivants ou morts. |
Nous entendons des bruissements de feuilles. D'autres varans approchent, attirés par l'odeur qui se répand très rapidement avec la chaleur. Ils ne cessent de tirer leur longue langue. Un adulte laisse échapper un souffle rauque. Les queues claquent faisant voltiger des nuages de poussière. Arc-boutées au corps, les pattes avant piétinent, bousculent un confrère, une consoeur. La gueule béante laisse entrevoir la membrane rose des commissures. |
| | Les pattes avant portent chacune cinq griffes puissantes avec lesquelles, ils creusent le sol. Ces varans creusent de profonds terriers (jusqu'à 3 mètres) dans le lit des rivières asséchées ou sous les troncs d'arbres morts. Les Indonésiens les appellent "ora" ou crocodiles de terre. |
L'odeur semble les rendre fous. C'est la curée. Dans la bousculade chacun tente d'arracher un morceau de viande. Les écailles recouvertes de sang, ils s'empêtrent dans les boyaux. Le repas continue dans une douceur toute jurassique. Profitant de la mêlée, je décide de me laisser glisser le long du tronc d'arbre pour mieux photographier la scène. a présent, je ne suis plus qu'à trois mètres d'eux. Je me fais tout petit sur ma branche et j'essaie de ne pas trop ressembler à une carcasse de chèvre. |
Un énorme mâle s'immobilise. Son regard figé me fixe durant quelques instants. Que se passe-t-il exactement dans cette caboche de saurien? Je ne le saurai jamais et je pense que cela vaut mieux comme cela. Peu à peu, le calme revient. Repus, les varans s'allongent sur le sol. Ventre à terre, ces gros lourdauds paraissent maintenant inoffensifs. Mais il serait sot de le croire... |
Je prends mon carnet de notes et j'inscris: "Celui qui repart n'est plus le même. Celui qui vient, imagine. Celui qui s'en va, se souvient." |
Published by Vero et Eddy
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dans
Ile de Komodo-Komodo Island